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Dans la chaîne oléicole, plusieurs métiers se succèdent. On trouve d’abord ceux qui travaillent la terre, plantent l’arbre et récoltent les fruits, puis ceux qui transforment l’olive en huile et enfin ceux qui la commercialisent. Espèce en voie d’apparition, il y a ceux qui cumulent les fonctions au gré des saisons. A Payzac, Michel Vigouroux, 58 ans, et à Ruoms, Daniel Tourre, 57 ans, producteurs-mouliniers-distributeurs sont de cette race-là. Ils militent tous deux au Syndicat des oléiculteurs d’Ardèche méridionale, Michel comme président, Daniel en simple adhérent.
Questions et réponses croisées avec ces artisans éclairés de l’olivier.
Michel Vigouroux , président du Syndicat des oléiculteurs d’Ardèche méridionale et Daniel Tourre (de g. à dr.)
Combien d’oliviers cultivez-vous ? Michel : 1200. Sur l’exploitation familiale dont j’ai hérité mais que j’ai agrandie, on a toujours cultivé l’olivier. A l’époque, il servait seulement à la consommation familiale. Certains de mes oliviers datent de plus deux siècles. Dans les années 90, j’en ai planté davantage pour répondre à une demande d’huile d’olive. Et comme ça se faisait alors, c’était des variétés italiennes (frantoïo) et d’Aix-en-Provence (aglandau - AOC des Baux-de-Provence). Dans les années 95-97, j’ai développé cette culture avec des variétés locales afin de produire plus et de commercialiser. J’apportais alors mes olives chez Froment aux Vans et dans divers moulins locaux. Daniel : J’ai 900 arbres et je m’occupe d’oliviers depuis 1977. A l’origine, j’étais frigoriste puis j’ai plongé dans cet univers de l’olivier grâce à mon oncle. Il gérait une propriété oléicole dans le Var, à Draguignan. Mes plus vieux oliviers n’ont que 35 ans.
Peut-on vivre en Ardèche de l’oléiculture ? Michel : Oui, mais en faisant de la qualité et en ayant une bonne distribution. Mon fils Jocelyn est oléiculteur et sculpteur. Il y arrive... Quant à moi, j’ai une autre activité, la viticulture : une dizaine d’hectares de vigne et j’emmène ma production à la cave coopérative de Lablachère. Daniel : Difficilement. L’olivier, c’est un gouffre financier ! Mes arbres sont encore trop jeunes et ma production trop insignifiante pour l’instant.
Quelle production d’huile d’olive ? Daniel : Selon les années, entre 100 et 400 litres. Je suis un petit producteur. Michel : Entre 900 et 2000 litres. Un chiffre de producteur moyen. Mais pour nous deux, la production est croissante car une partie de nos plantations sont encore jeunes.
Comment distribuez-vous votre huile ? Michel : Par vente directe dans ma propriété. Mais aussi dans des magasins de producteurs à Aubenas, Joyeuse, et chez des commerçants locaux. Tout se vend, on n’arrive pas à fournir ! Daniel : En vrac, à une clientèle d’habitués. Je parviens aussi à tout écouler.
Depuis quand possédez-vous votre propre moulin et pourquoi ce choix ? Daniel : J’ai sauté le pas en 2006 pour faire des huiles monovariétales car je n’avais que de petites quantités. De plus, je souhaitais choisir ma période de récolte pour tester des fruités différents. J’en suis très content, je me régale mais je me fatigue deux fois plus ! Michel : Seulement depuis 2010. Pour être autonome, triturer mes olives au bon moment et avoir ainsi une huile de qualité. Posséder mon propre moulin m’a permis de diminuer la manutention. Je n’ai plus de stockage à faire ni à attendre le rendez-vous avec le moulin. Et pour la clientèle, il y a une valeur ajoutée. Les consommateurs me font confiance sur la traçabilité du produit. Car l’huile qui est dans mes cuves, je peux leur dire précisément de quel arbre elle provient !
Quel type de moulin avez-vous ? Michel : Un moulin à deux phases, par centrifugation. On ne sépare pas les grignons des margines. Le produit reste pur. Au plan organoleptique, c’est mieux. On prend les olives, on les broie, on les malaxe, on extrait. Aucun élément ajouté. Pas d’ajout d’eau. Daniel : Un moulin traditionnel. L’extraction se fait par une presse hydraulique et la décantation s’opère naturellement. La presse est plus adaptée pour le fruité mûr et la centrifugeuse, pour le fruité vert. Mais il y a nettement moins de manipulation avec la centrifugation. Michel, il regarde la télé quand moi je me crève la patate...
Comment gérez-vous l’évacuation des sous-produits (grignons, margines, etc.) ? Michel : Aucun problème, je les récupère pour les vignes ou les oliviers comme fertilisant. Daniel : Idem, je m’en sers en épandage pour mes arbres.
Qu’envisagez-vous pour promouvoir la bonne huile d’Ardèche ? Michel : Entre autres choses, il faudrait développer les olives de table et les produits dérivés (tapenade, etc.). Il y a une forte demande et en Ardèche on n’y répond pas encore suffisamment. Ce serait une bonne promotion pour les olives locales.
Plus généralement, on visait l’AOC (Appellation d’origine contrôlée) ou l’AOP (Appellation d’origine protégée). C’est pour cette raison qu’en 1994 on a créé le Syndicat des oléiculteurs d’Ardèche méridionale - à l’initiative notamment de Thierry Deffray qui en fut le premier président, d’Honoré Gaillard, de René Evesque et de Daniel Longchampt (l'actuel secrétaire). C’était une démarche collective. Mais les producteurs ne se sentaient pas tous concernés, ni les mouliniers. Il faut préciser que l’AOC est liée à un produit de terroir, avec des normes très strictes. Or, dans les années 90, nos oliveraies comptaient beaucoup de variétés étrangères et de départements voisins. La production de variétés locales n’étant pas assez conséquente pour une AOC, il faut attendre quelques années encore. Mais une huile d’Ardèche labellisée nous aiderait déjà à faire reconnaître sa qualité.
En attendant, à quoi sert le Syndicat ? Michel : C’est un appui technique aux producteurs pour la culture, l’exploitation de l’arbre, les traitements, les produits phyto-sanitaires, la promotion du produit, la connaissance des huiles, les profils organoleptiques...
Quelles sont ses actions concrètes ? Michel : En 17 ans, les subventions ont favorisé beaucoup de plantations d’oliviers. Le Syndicat a permis de faire des recherches sur les variétés locales et de les implanter. Auparavant, on trouvait dans nos olivettes des variétés italiennes, gardoises, varoises, etc. Dans la perspective d’une AOC, le syndicat a travaillé avec l’INRA et les pépiniéristes locaux et fait progresser le bouturage des variétés locales. C’est aussi grâce au Syndicat que nous avons pu nous mettre en rapport avec l’Afidol (Association française interprofessionnelle de l’olive) et le CTO (Centre technique de l’olivier). On a alors bénéficié notamment des conseils sur la conservation de l’olive avant le triturage. Daniel : Avant on stockait les olives longtemps ! On prenait rendez-vous avec le moulinier... et on attendait notre tour. Sans savoir que c’était au détriment de la qualité. Le Syndicat nous a beaucoup apporté. Sa création a dynamisé les oliviers et amélioré sensiblement l’huile.
Comment le Syndicat voit-il l’avenir de l’olive en Basse-Ardèche ? Michel : Vu notre positionnement géographique, le tourisme florissant et la qualité de nos huiles, on est optimiste. Notre terroir est riche de ses variétés locales et typiques. On travaille surtout à développer la typicité de nos huiles. C’est notre originalité.
Quel est l’intérêt de cette Université pour le Syndicat ? Michel : Nationalement, l’huile d’Ardèche, on ne connaît pas ! C’est pourtant une région productrice depuis l’Antiquité. Olivier de Serres (1) en parle déjà dans ses écrits. L’Université sera une bonne vitrine pour notre huile, pour présenter au public ses qualités. Nous sommes en zone limite pour la culture de l’olivier, donc on a des qualités organoleptiques intéressantes. Quand une plante doit forcer un peu plus, quand elle survit à d’importantes amplitudes thermiques, le fruit obtenu est de grande qualité. La plante doit développer le meilleur d’elle-même... L’olivier, plus il souffre, meilleur il est !
Et après l’Université ? Michel et Daniel : Il faudra pérenniser l’événement par le biais du Syndicat et des Amis de l’olivier. Envisager des manifestations régulièrement, stimuler l’activité avec des concours internes, s’organiser aussi pour aller hors-département... Et, de toutes les façons possibles, maintenir l’acquis de cette première Université en attendant la deuxième !
(1) Olivier de Serres, au 17ème siècle, a défini les grands principes de l’agriculture dans son célèbre ouvrage, Le théâtre d’agriculture et ménage des champs. Considéré comme le père de l’agronomie moderne, il notait à l’époque que la récolte des olives était la tâche la plus ardue de l’agriculture ! Et il était ardéchois
Dernière modification : 05/03/2012 @ 18:29
Catégorie : Université d'été 2011 - Journal de l'Université
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