L'huile d'olive et les fraudes
Depuis l’antiquité les huiles sont différenciées en fonction de différents critères parmi lesquels l’aspect organoleptique a tenu un rôle important. Des classifications précises, essentiellement basées sur une description de l’état de maturité et de conservation des olives, étaient utilisées dans l’empire de Rome. Plus tard le code civil prévoira sa dégustation avant son achat.
En 1823, à la suite de la publication du traité de Chevreul intitulé : Recherche chimique sur les corps gras, les analyses physico-chimiques ne cesseront de se développer jusqu’à nos jours et d’être appliquées à la différenciation des diverses huiles issues de l’olive ainsi qu’à la recherche de mélange. Au Moyen Age, l’huile d’olive servant aux Saintes huiles pouvait être "coupée" (c’est à dire mélangée avec des huiles d’une autre nature) et dans son livre Mémoires de l’Olivier, Gérard Rossini fait part de ses recherches précisant qu’il y a belle lurette que les négociants et revendeurs procèdent à des "coupages" ou des assemblages pour s’adapter aux goûts du consommateur ainsi qu’à son pouvoir d’achat. En effet, historiquement, dans des régions qui ne connaissaient pas de grands "crus", l’huile de première pression à froid pouvait être mélangée avec des huiles de pressions successives afin d’augmenter la marge du producteur. Au niveau du négoce, et ce dès le début du XIXème siècle, il pouvait y avoir des assemblages entre des huiles locales et des huiles d’autres provenances comme celles d’Afrique du Nord, d’Espagne ou d’Italie, produites à moindre coût. Pour lutter contre les goûts trop forts ou trop fruités, on utilisait des coupages avec des huiles raffinées de type arachide qui portaient la dénomination d’huiles de table olivées. Il est à noter que ces huiles étaient achetées par 5 litres ce qui est assez rare de nos jours en France, du fait de son prix, mais courant dans les linéaires des supermarchés Italien, Espagnol ou Grecque.
Dans cette première moitié du XXème siècle, on voit apparaître la mesure de l’acidité comme moyen objectif d’évaluer la qualité des huiles indépendamment de la connaissance de leurs conditions de production. Néanmoins, ce sont souvent les origines des huiles qui constituent le premier critère de qualité. Dans chaque région, la qualité des huiles produites résulte d’un ensemble "variétés/méthodes de récolte/processus d’extraction" qui provient d'un ensemble de conditions locales et évolue très peu tant qu'il n'y a pas d'apport technologique. Au fil du temps, un équilibre optimal du rapport "qualité/rendement" lié aux saisons s’est constitué dans chaque grande région de production, et il débouche sur une hiérarchie des notoriétés, connue dans les milieux commerciaux.
Au milieu du XXème siècle, on observe les premières tentatives d’homogénéisation de définitions relatives à des termes qualitatifs comme "extra" ou "fine", alors que la notoriété de la provenance est encore une valeur sûre. L’acidité apparaît comme un moyen simple et fiable d’évaluer la qualité et c’est ce critère qui sera décisif pour délimiter les catégories. Les producteurs d'huiles d'olive l'adoptent facilement, car l'analyse est peu coûteuse, et peut même être mise en œuvre sur place avec un minimum de moyens. Ils peuvent alors s'en servir pour gérer leur production au point de vue qualitatif.
En ce début de XXIème siècle, la consommation d’huile d’olive, en France, a dépassé les 100 000 tonnes alors que la production française atteint les 7 500 tonnes. Devant ce déficit de production et un prix élevé, les huiles françaises sont fortement concurrencées et «contrefaites» surtout sur les marchés de Provence. La réglementation met à notre service toute une panoplie d’analyses qui permettent de mettre en évidence des défauts de qualité et les adultérations de nos huiles locales avec des huiles de moindre coût.
Denis Ollivier
Laboratoire SCL de Marseille